Les investigations se concentrent sur ce pays de la péninsule arabique. Saïd Kouachi y aurait séjourné pendant deux semaines après son arrivée à Oman le 25 juillet 2011. Ce qui a justifié sa surveillance par la DGSI entre novembre 2011 et juin 2014.
Et si la clef du “11 septembre français” se trouvait à 5 000 kilomètres de distance de Paris, au coeur des montagnes de la péninsule arabique, au Yémen? Les enquêteurs français et américains tournent désormais leur regard vers ce pays de 24 millions d’habitants, devenu depuis le début des années 2000 l’un des creusets du djihadisme international. Et pas seulement parce que Al Qaeda dans la péninsule arabique (Aqpa) s’est félicitée des attaques menées à Paris entre le 7 et le 9 janvier.
Au moins l’un des deux frères Kouachi, auteurs de la fusillade au magazine Charlie-Hebdo (12 morts), a effectué un séjour au Yémen. Selon nos informations, Saïd Kouachi a en effet été repéré à Oman, le 25 juillet 2011. Il se trouvait en compagnie d’un autre homme qui, selon les autorités françaises, n’est pas son frère Chérif. Les deux passagers auraient pris un vol retour à destination de la France trois semaines plus tard, le 15 août précisément. Qu’ont-ils fait pendant ces trois semaines au Moyen-Orient?
Entraînement au tir entre frères?
Des sources officielles yéménites viennent d’affirmer à l’agence Reuters, contrairement à la version de Paris, que Saïd était en fait accompagné de son frère Chérif. Les deux hommes seraient passés clandestinement au Yémen où ils seraient restés deux semaines. “Ils ont rencontré Anwar al-Awlaki (prédicateur d’Al Qaeda dans la péninsule arabique) et ensuite ils ont été entraînés pendant trois jours au tir dans le désert de Marib”, ont confié ces sources. Si cette information est vérifiée, qu’en savaient au juste les services français? De la réponse à cette question dépendra l’ampleur de la polémique sur les failles constatées dans le bouclier antiterroriste.
Une chose est sûre. Washington a bien transmis à Paris une information essentielle à la fin du mois de novembre 2011 portant sur le passage de Saïd Kouachi à Oman. Côté français, on certifie que ce renseignement américain ne donnait pas la preuve d’un entraînement dans les rangs djihadistes. Mais il existait cependant une forte probalité car un ex-membre de la “filière dite des Buttes-Chaumont” (dans laquelle apparaissent les frères Kouachi dès 2004) avait trouvé refuge dans ce pays pour rejoindre Al Qaeda.
Le voyage éventuel de Chérif Kouachi fait l’objet de versions discordantes au sein des autorités françaises. Le procureur de la République à Paris, François Molins, a confirmé son existence lors de sa conférence de presse vendredi 9 janvier au soir. L’information viendrait en fait du témoignage de l’épouse de Chérif Kouachi, recueilli par la police judiciaire. Celle-ci aurait en effet confié aux enquêteurs que son mari s’était rendu à Oman, en compagnie de Saïd, à l’été 2011. Cette version a cependant été fermemement démentie par son avocat, Me Christian Saint-Palais. Selon lui, sa cliente aurait bien reconnu que Chérif Kouachi avait effectué des voyages, mais il ne lui en aurait jamais dit, ni la destination, ni le but.
Une longue surveillance jusqu’à l’été 2014
Quoi qu’il en soit, cette alerte américaine motive alors le lancement d’une surveillance sur les frères Kouachi par la DGSI (contre-terrorisme). Saïd fait l’objet d’une fiche de “mise en attention” dite “fiche S”, dès la fin du mois de novembre 2011. Les téléphones portables des deux frères sont “branchés”. Cette surveillance sera particulièrement longue, alternée entre la DGSI et la PJ, les écoutes administratives étant renouvelées tous les quatre mois. Chérif, lui, aurait été écouté moins longtemps jusqu’à la fin de 2013, faute d’accord sur le renouvellement des autorisations.
Les conversations de Chérif au téléphone et de ses fréquentations semblent montrer qu’il se lance alors dans la contrefaçon de vêtements et de chaussures de sport. Pour les policiers, il sort du spectre terroriste, semblant entrer dans celui de la petite délinquance. Aucun signe de dangerosité n’est détecté. Si bien qu’en juin 2014, la surveillance des Kouachi est définitivement levée. La police passe à d’autres suspects. Sept mois plus tard, les frères font irruption dans la salle de rédaction de Charlie Hebdo.
Par Eric Pelletier , Pascal Ceauxpublié le 10/01/2015 à 20:41, mis à jour le 14/01/2015 à 10:03
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